Pourquoi ? mais pourquoi un blog ?

Carrefour est pour, Auchan méchant, Leclerc persévère... Tantôt jolies, tantôt aigries, les caissières de votre hypermarché favori vous inspirent de la pitié, du mépris, de l'indifférence? Vous vous demandez si les "bip!" de la journée résonnent dans leur tête la nuit? Vous vous en foutez? Vous voulez en savoir plus? Sont-elles payées à ne rien faire? Que font-elles lorsqu'elles ne font rien? et Pourquoi une des roues du charriot dit "f*ck!" aux trois autres?
Que vous a-t-on caché sur ce que vous savez déjà? Sur vos habitudes? Etes-vous un vrai client?
Vous pensez tout connaitre sur l'univers extraordinaire du scanner aux multiples rayons lasers? Vous faites très bien la différence entre une batavia et une scarole? Alors faites chauffer la carte bleue, feuilletez votre chéquier pour vous assurez qu'il vous en reste quelques-uns, détachez votre caddie de celui qui le précède, et préparez vous à déchanter comme jamais vous n'avez chanté! Avec vos yeux, vos oreilles et le bout de vos doigts ! Passez donc du côté obscure de la caisse, où rêve et réalité vivent en harmonie comme le salade-tomate-oignon d'un sandwich kebab...
Parce qu'Internet le vaut bien et que le monde part en vrille, un ex-caissier aux chromosomes XY vous fait découvrir ses chroniques complètement à l'ouest!
Suivez le guide!

Aux frontières du réel

Un jour, un illuminé m'a dit: "Quand ce que tu vois te donne l'impression de rêver, c'est peut être parce que tu rêves".
Une phrase mémorable, quoique bateau à la puissance 10, à laquelle j'ai quand même bien envie d'ajouter ça: "Quand tu crois rêver mais que tu ne rêves pas, Comment ça déchire sa mère un truc de ouf!!!".

Et ce jour là, alors que tout semblait prouver le contraire, une chose est sure, j'étais loin, très très loin de mon lit douillet.

Une question pour la route:
Qu'y a-t-il de pire qu'une caissière aigrie ?
Réponse, une caissière aigrie au chômage.
Qu'y a-t-il de pire qu'une caissière aigrie au chômage ?
Réponse, une caissière aigrie qui devrait être au chômage mais qui continue à suinter l'aigreur...


Samedi, 15h14.
La marrée est montante. Je reviens tout juste de ma coupure de 45 minutes, et comme beaucoup des miens, j'ai mangé dans l'urgence. Au menu, un sandwich, 3 conversations, et 2 morceaux d'émissions 4 étoiles du samedi. Ce qu'il faut savoir sur la télévision de la salle de pause, allumée en permanence, c'est qu'elle voit défiler tout le personnel du magasin, à mesure que s'écoulent les heures, que se sirotent les cafés, que se consomment les sandwichs, que se propagent les ragots. Cette télé a un pouvoir particulier, tout le monde la regarde, quoi qu'elle diffuse. Une énième rediffusion de la petite maison dans la prairie ? Aucun problème, l'audience est médusée. Dans cette salle de repos, on croise nos collègues, on passe avec eux des instants privilégiés qui peuvent invariablement durer 2 minutes, 5 minutes, 15 minutes, 30 secondes, ça dépend. Pourquoi ça dépend ? Tout simplement à cause de la manière totalement anarchique avec laquelle fluctue le moment de nos décrochages respectifs, soumis aux aléas de la congestion aux caisses du magasin. (nos pauses dépendent du monde en caisse quoi. Oui, j'aime me la raconter sévère avec des phrases inutilement compliquées, et qui servent à rien).

Bref, je quitte la salle de repos (j'y ai laissé 2 gros durs en train de regarder Bob l'éponge...), je descend 2 par 2 les marches de l'escalier qui me ramène au bruit, aux odeurs, et à l'aveuglante lumière des néons. Je pointe sans tarder. Je récupère mon tiroir. Placement de caisse aléatoire. L'après midi peut commencer.
J'arrive juste à temps pour renforcer une armée sur le point d'être submergée, et ainsi éviter le chaos d'un rush déjà bien en place. (le "rush", c'est la "ruée" des clients, comme dans "la ruée vers l'or", sauf que là, ceux qui se ruent, le font pour payer!). Mon cadeau du jour, c'est la caisse moins de dix articles, avec toutes les options habituelles: festival de petite monnaie, et ses concours de calcul mental, consommation record de rouleaux d'imprimante, raz-de-marée des formules de politesse pour de faux... Bref, tout le confort moderne...

Et le petit bonus du jour, c'est Gisèle.
Je connais mal Gisèle, une caissière assez âgée, arrivée il y a quelques mois, qui me tient compagnie pour l'après midi, mais dans quelques minutes, j'allais en savoir bien d'avantage sur le personnage. Alors que le flot de clients s'écoulait gentiment d'un bout à l'autre de la caisse, comme les perles d'un collier (qui en compte beaucoup trop!), vient alors à la caisse de Gisèle le tour d'une dame qui serait probablement restée chez elle ce jour là si elle avait su que quelques tomates dans un sachet plastique lui aurait value d'être traitée de...
"Menteuse!" sous-entendit Gisèle. "Ça m'étonnerait qu'il n'y ait que 300 grammes de tomates dans ce sachet! c'est beaucoup plus lourd que ça! je le vois bien!".

L'impossible est arrivé. La caissière (audacieuse, courageuse, suicidaire...) soupçonne la cliente d'avoir rajouté des tomates après avoir fait peser le sachet à la balance. Chose qui est probablement monnaie courante vu la facilité du processus, et la faible probabilité de se faire prendre. Mais tout cela c'était sans compter sur le zèle en acier inoxydable d'une caissière à qui, visiblement, on ne la fait pas !
Très vite, c'est l'attention de toute la file d'attente, dans sa nature voyeuse et avide de problèmes sociaux, qui est focalisée sur le lieu du drame. L'audience est indignée, la cliente est humiliée, la caissière est sur le point de se faire virer. Le roller retourne peser l'objet du crime. Puis le verdict tombe, comme une braise dans la poudreuse, parfaitement rectiligne, aucune résistance ne s'oppose, la vérité est là, et elle est douloureuse pour notre caissière! Mais le mal est fait... et la cliente jura alors qu'elle ne remettrait plus jamais les pieds à l'endroit où son honneur fut bafoué et sa dignité piétinée, comme une tomate pourrie un jour de marché...

La chef de caisse, qui a appris le matin même qu'elle devenait grand-mère, gracia Gisèle la zélée, en ne lui donnant qu'un avertissement.

C'est fou, non ?
Ça fait rêver, n'est ce pas ?
Mais quand tout semble contradictoire dans ce que nous observons, que tous nos codes s'effondrent subitement comme un château de cartes fidélité, et qu'à ce point le rêve ressemble à la réalité, commence être sûr qu'on est bien éveillé?


Quand le cauchemar c'est la suspicion,
Vous consommez, Nous encaissons.

cLiENT SUIvant !